Portrait d'une sirène

      Elle était perchée là, sur un rocher à moitié submergé par les vagues. Sa longue chevelure blonde tombait en cascade sur son dos, jusqu'aux fesses, brillant intensément, où se reflétaient les rayons du soleil. Son buste était droit, sa peau, presque blanche, sa poitrine, inexistante. Sa queue de poisson faisait d'elle un animal marin : mes yeux se perdaient dans ses écailles bleu turquoise, qui étincelaient. Son regard fuyant, bien qu'il m’intriguât, m'attira davantage, tandis que j'avançai à pas prudents, craignant qu'elle ne disparaisse aussi vite que la lumière. Elle était belle, ravissante, charmante, même séduisante. J'en aurais fait ma femme, ma muse, ma déesse. Sauf que c'était une créature fantasmagorique et qu'elle n'appartenait qu'à l'océan. Son destin était inéluctable : elle naviguerait dans l'océan, irrémédiablement, sans possibilité de remonter sur les côtes, elle côtoierait définitivement les poissons, les algues, les coquillages, mais jamais les humains. Elle ne serait jamais chez moi, à m'attendre le soir quand je rentre, à préparer le repas et lire un livre dans mon lit. C'était la seule fois de ma vie où je pouvais contempler cette créature divine, la métamorphoser en ma délicieuse et élégante femme, la sublimer et la glorifier pour en faire un être unique à moi, rien qu'à moi.

      Mon rêve faillit s'éteindre au moment où elle se tourna vers moi et me menaça de s'échapper dans les eaux agitées. Je m'immobilisai pour lui permettre de me détailler, mais elle ne regarda que mes yeux, seulement mes yeux, qui s'étaient pétrifiés d'un seul coup, absorbés par cette vision qui ressemblait à la fois à une hallucination et un rêve éveillé. Je ne savais pas ce que mon visage dégageait.. sûrement beaucoup de bienveillance, car elle calma ses craintes sitôt que je lui eu fait mon plus beau sourire, un sourire d'ange, qui exprimait un émerveillement total. Je voulus dire un mot, mais mon corps refusait catégoriquement de s'exprimer, comme s'il voulait me protéger. Elle avait besoin de silence, celui qu'il y a dans les océans. Un silence pensant, mais qui m'apportait une certaine sérénité. Je me sentais bien, vivant, l'air iodé me vivifia l'esprit et l'être fabuleux joignit les mains que j'interprétai en signe de paix et de respect, puis plongea dans l'océan avant que je ne puisse lui répondre. Elle m'avait transmis un message, qui ne pourrait jamais être décodé. Cette image, gravée dans mon esprit... celle d'une sirène, mi-femme mi-poisson, dotée à mon sens d'une intelligence humaine, priant quelque chose, ou implorant quelqu'un... désirant peut-être manifester sa quiétude vis-à-vis des humains. Elle venait sans doute de s'apprivoiser à l'instant.

 

 

 

 

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