Pour la Liberté, 1942

 

La douleur m'oppressait. Il faisait froid ici, un courant d'air glacé me frigorifiait depuis la nuit dernière et la saleté s'accumulait de jour en jour dans ma cellule. J'avais l'impression de vivre un cauchemar éveillé; c'était comme si une arme invisible était pointée sur moi constamment sans que je puisse m'échapper. Les gardiens m'avaient interrogé de nombreuses fois et j'étais resté muet comme une tombe. Ils m'avaient menacé, disant que si je ne leur révélais pas les noms de mes compagnons, ils me frapperaient jusqu'à ce que je ne sente plus mon corps, jusqu'à ce que je ne puisse bouger, respirer, rêver... leurs méthodes étaient radicales, on n'y échappait pas. Tous ces gens qui étaient morts pour sauver la France... Ils avaient été pris, ils avaient souffert, ils n'avaient même pas pu dire au revoir à leur femme et à leurs enfants. Leurs assassins  n'avaient aucune conscience: ils agissaient en prenant un malin plaisir à les voir consentir ou mourir sous leurs armes qu'ils brandissaient fièrement. Coopérer était le mot qui délivrait. Il y en avait qui avait fini par céder. Ils nous avaient trahis, nous avions été surpris par la Gestapo alors que nous étions en train de faire un plan pour faire dérailler un train d'approvisionnement. Ils nous avaient traînés comme des bêtes jusque dans leurs prisons et nous avaient questionnés. Nous étions parmi les derniers groupes de résistants et aucun n'avait parlé. Pour l'instant. Ça n'allait pas durer longtemps: on en avait fusillé cinq, et pendu deux. Au nom de quoi au juste ? De la liberté. Est-ce juste de mourir au nom de la liberté ? 

Bientôt, les feux de la révolte s'éteindront. Nous descendrons tour à tour dans les ténébres, dans l'obscurité la plus totale, rejoignant les ombres des innocents, retrouvant les victimes des camps, et saluant les individus pour qui le mot "dénonciation" leur est inconnu. Ensemble, nous marcherons dans ce monde sombre parmi les dépouilles clamant haut et fort notre identité, relatant notre combat, pour que cela se grave à tout jamais dans la mémoire collective, de génération en génération, partout et toujours. Car tant que nous serons nombreux, notre combat et notre force vivront et perdureront.

 

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Commentaires

  • Laurence

    1 Laurence Le 31/12/2011

    C'est un texte frappant par son caractère lapidaire ( comme si le temps s'accélérait pour le narrateur dont la fin approche sans doute ) et combatif. Comme ces résistants ont dû avoir du courage... Je me demande où ils trouvaient une source de reconfort. Peut-être dans leur espoir d'un monde plus juste.

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